Chronologie
L'histoire de la Völklinger Hütte
L'histoire à succès de la Völklinger Hütte a connu des hauts et des bas : les temps forts (plus grand producteur de poutrelles d'Allemagne, détenteur de la majeure partie des brevets mondiaux dans le secteur du fer et de l'acier) ont été entrecoupés d'heures sombres, comme la proximité d'Hermann Röchling avec Adolf Hitler et les nazis ou le recours aux travailleurs forcés pendant les deux guerres mondiales. À la croissance des années du miracle économique allemand succèdent le déclin de la crise mondiale de l'acier dans les années 70 et le nouvel essor de l'usine sidérurgique de Völklingen grâce à son inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Les débuts: Julius Buch
Une nouvelle ère commence : lorsqu’à Cologne en octobre 1872 l’ingénieur en métallurgie Julius Buch décide d’ouvrir une usine dans la Sarre, il est loin d’imaginer qu’il écrit ainsi la première page de l’histoire de la sidérurgie à Völklingen, une histoire qui durera plus d’un siècle. Au printemps, Buch fonde la société « Völklinger Eisenhütte bei Saarbrücken, Actiengesellschaft für Eisenindustrie ». On 12 May 1873, Julius Buch received the building permit for the construction of the ironworks. Fin 1873, grâce à 12 fours de puddlage, l’usine produit de la loupe et des poutres métalliques. Au début, les affaires marchent bien.
Mais cinq ans plus tard, le désastre se produit : la suppression des taxes d’importation permet la livraison à bas prix de produits français, belges et anglais à base de fer. Julius Buch se rend à l’évidence, la production locale n’est plus rentable. En décembre 1878, la liquidation de son usine est décrétée : l’exploitation cesse et tous les employés sont licenciés.
Carl Röchling
« Cher Theodor, hier, j’ai acheté pour 270 000 marks les aciéries de Völklingen…»
C’est par cette missive que le 27 août 1881, Carl Röchling informe son frère Theodor au fief familial de Sarrebruck qu’il vient d’acheter les aciéries désaffectées de Völklingen jusque-là propriété des frères Hardy qui les avaient acquises aux enchères. Pour approvisionner l’usine en minerai, Carl Röchling achète en 1882/83 des gisements à Algrange en Lorraine.
A l’origine, Carl Röchling n’est ni un technicien, ni un passionné d’inventions quand il se lance dans l’industrie du fer et de l’acier : c’est un commerçant rompu à la finance et au capital. D’emblée, il s’affirmera comme un industriel de dimension européenne. Il parle française, a étudié au Havre et à Rotterdam et à dirigé des sociétés avec des partenaires français, collaborant étroitement avec des capitaines d’industrie français.
Avant son rachat, l’usine de Völklingen avait fait les frais d’une faillite retentissante. Carl Röchling va faire de la « Röchling‘sche Eisen- und Stahlwerke GmbH » une des entreprises les plus rentables d’Europe. Lorsque Carl Röchling, alors Conseiller commercial honoraire (« Kommerzienrat »), se retire de ses fonctions, il est l'un des hommes les plus riches de son temps. En 1910, Carl Röchling décède à Sarrebruck.
La Première Guerre Mondiale
Sur les champs de bataille de France et de Belgique, la Première Guerre mondiale atteint des dimensions traumatisantes. A Verdun, durant l’année 1916, chaque hectare de terre a été martelé en moyenne par 50 tonnes de grenades d’acier. C’est une nouvelle ère, celle des machines de guerre. Fer, acier, charbon et coke : l’industrie de la Sarre fournit les principales matières premières nécessaires à la production d’armes. Les usines Röchling ont avant tout contribué à la fabrication de munitions pour l’armée allemande.
Mais elles ont également joué un rôle décisif dans le développement d’un nouvel équipement de guerre : le casque en acier. Les tout nouveaux fours à inductions fournissent un acier de qualité supérieure destiné aux casques. L’usine augmente les capacités de ses fours, si bien que 80 à 90 % des matériaux entrant dans la fabrication d’un casque en acier sont produits à Völklingen.
Hermann Röchling
Hermann Röchling naît en 1872 à Sarrebruck. Il étudie l’économie à Heidelberg ainsi que les mines et la métallurgie. En 1895, son père, Carl Röchling, lui confie la direction d’un haut-fourneau à Völklingen. Il séjourne aux Etats-Unis et en Scandinavie pour parfaire sa formation.
En 1905, Hermann Röchling est nommé gérant des aciéries de Völklingen : il joue un rôle décisif dans le développement technique du site. Dès 1936, Hermann Röchling met l’entreprise au service de la politique d’armement du Troisième Reich. Face à la pénurie de main d’œuvre, les usines ferment provisoirement en septembre 1939. En octobre 1940, quatre hauts-fourneaux sont à nouveau en service.
A partir de 1942, Herrmann Röchling fait partie de l’Etat-major de l’économie de guerre nationale-socialiste. Grand admirateur d’Adolf Hitler, il salue sa prise du pouvoir dans un livre, Wir halten die Saar! (Nous gardons la Sarre) et soutient énergiquement sa politique dans la Sarre.
1948/1949 Hermann Röchling est condamné pour crimes de guerre à Rastatt. En 1951, il est libéré.
En 1953, Hermann Röchling reçoit l'anneau Siemens, la plus haute distinction allemande décernée dans le domaine de la science et de la technique.
Le 24 août 1955, Hermann Röchling décède à Mannheim.
La Deuxième Guerre Mondiale
Lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclate, les habitants de Völklingen sont forcés de quitter leurs foyers du fait de la proximité du front.
Le 30 janvier 1938, Hermann Göring nomme Hermann Röchling « Wehrwirtschaftsführer » (responsable de l’industrie militaire). Face à la pénurie de main d’œuvre, les usines ferment provisoirement en mars 1939. Mais l’activité reprend à la fin de l’année. En octobre 1940, quatre hauts-fourneaux sont à nouveau en service.
Désormais, la production se concentre sur le matériel de guerre : fûts de canons, grenades et pièces détachées pour l’aviation. Dès le début de l’été 1940, des travailleurs forcés et des prisonniers de guerre sont affectés dans les usines Röchling. Alors que le front se rapproche à l’automne 1944, la production est réduite. Une équipe de 200 à 300 ouvriers reste toutefois sur place.
Carl Theodor Röchling, fils de Herrmann Röchling et successeur désigné, est assassiné en décembre 1944 sur le site. Les derniers mois de guerre n’épargnent pas les aciéries de Völklingen, même si les destructions ne sont pas aussi importantes que celles subies par d’autres industries du bassin sarrois.
Le procès de Rastatt
Du 16 février au 30 juin 1948, les principaux représentants de l’usine sidérurgique Röchling de Völklingen sont jugés au château de Rastatt par le Tribunal Général : Hermann Röchling comparaît en qualité de président du comité directeur ainsi que les membres de la direction Ernst Röchling, Hans-Lothar von Gemmingen, Wilhelm Rodenhauser et Albert Meier. La défense fait appel du jugement rendu le 30 juin 1948.
Le 25 janvier 1949, le verdict définitif est prononcé : dix ans de prison, confiscation de sa fortune et perte de ses droits civiques pour Hermann Röchling. Trois ans de prison, confiscation de la moitié de sa fortune et perte de ses droits civiques pour Hans-Lothar von Gemmingen. Trois ans de prison pour Wilhelm Rodenhauser. Albert Maier est acquitté. Alors qu’il avait été acquitté en première instance, Ernst Röchling est condamné à cinq ans de prison, sa fortune est confisquée et il est privé de ses droits civiques.
L'après-guerre et le miracle économique
En mars 1945, le site de Völklingen est occupé par les troupes américaines. En juillet 1945, la Sarre est rattachée à la zone d’occupation française. L’usine de Völklingen est alors mise sous séquestre. Mais dès 1952, elle a renoué avec ses chiffres de production d’avant-guerre. La mise sous séquestre est levée en 1956 et l’entreprise est restituée à la famille Röchling. En 1957, la Sarre devient un Land de la République fédérale d’Allemagne. Son intégration économique a lieu en 1959 et le franc est remplacé par le Deutsche Mark.
La production ne cesse d’augmenter à Völklingen du fait du boom que connaît le secteur du bâtiment pendant la période du miracle économique. En 1971, les aciéries de Völklingen et de Burbach fusionnent pour donner naissance à la société « Stahlwerke Röchling-Burbach GmbH ». Le site de Burbach se spécialise dans la production de fil métallique. En 1973, un tout nouveau laminoir, un des plus grands et des plus performants au monde, y est inauguré.
La Crise de l'acier et l'arrêt de l'activité
Jusqu’au milieu des années 1970, la production d’acier ne cesse d’augmenter. En 1974, elle a atteint son zénith. L’effondrement ne va pas tarder avec la crise de l’acier en 1975. En 1971, les aciéries de Völklingen et celles de Sarrebruck-Burbach avaient déjà fusionné pour former la société « Stahlwerke Röchling-Burbach GmbH ».
A Völklingen, on tente la fuite en avant.
En 1980, une nouvelle aciérie est ouverte : la technologie dernier cri comme va-tout face au déclin annoncé. La gestion des aciéries Röchling-Burbach passe ensuite entre les mains des aciéries de Dillingen. Une nouvelle entreprise voit le jour : « Saarstahl Völklingen GmbH ». Mais la crise de l’acier s’accentue et 8 500 emplois sont supprimés.
Le dernier acte a lieu le 4 juillet 1986 avec l’arrêt des hauts-fourneaux de Völklingen. La production de fonte brute cesse, la cokerie et toutes les activités métallurgiques annexes sont arrêtées.
Le patrimoine culturel mondial Völklinger Hütte
La fermeture de l'usine sidérurgique de Völklingen en 1986 a changé la réalité du site et de sa construction de manière très abrupte. Les groupes de hauts fourneaux, la cokerie, l'atelier de frittage, le hangar à fardeaux, l'allée des artisans et la salle des soufflantes devaient devenir des monuments.
La mise en place d'un ordre de conservation de l'usine sidérurgique de Völklingen par le service de préservation de la Sarre a été rapidement suivie en 1994 par sa nomination au patrimoine culturel mondial de l'UNESCO.